«Delacroix, La liberté guidant le peuple, 1831: une barricade des 3 glorieuses de juillet 1830, installant la monarchie parlementaire de Louis-Philippe contre l’autocratie de Charles X. Picasso, Guernica: ville détruite en 1937 par l’aviation allemande. Voici deux peintures “engagées”, l’une parce qu’elle décrit une insurrection sur le mode lyrique, et l’autre, au contraire dramatique, parce qu’elle est censée susciter cette insurrection, en dépeignant un désastre. Mais il existe une autre forme d’engagement artistique, né avec l’art moderne au début du 20e siècle, selon laquelle la révolution politique ne doit pas être "illustrée" par la peinture, mais qu’elle doit consister en une révolution de la peinture elle-même. Ce sera chez Malévitch, le passage à l’abstraction en 1915, qu’il appelle “suprématisme”, où la peinture, suprêmement libérée de l’imitation, est enfin pure, avec des ronds, des carrés, etc. Vous verrez qu’il y a beaucoup de carrés dans les images qu’on va voir et qui, selon Malévitch, préparait les esprits à la révolution politique de 1917.
Qu’il y ait de la naïveté dans ce raisonnement, selon lequel l’avant-garde artistique irait main dans la main avec l’avant-garde politique, est tout le problème des révolutions esthétiques de la modernité, dont on sait bien qu’elle n’ont jamais intéressé les forces révolutionnaires mais les élites culturelles. Si je devais polémiquer, je dirais même que le réalisme socialiste est évidemment, Lénine l’avait bien vu, la seule expression artistique véritablement au service de la Révolution. Il n’en demeure pas moins que la révolution artistique de Malévitch et de ses épigones est magnifique à regarder. Commençons donc sur Malévitch dont les débuts sont proches de ceux de son compatriote Marc Chagall.»
BONUS GRAND-ART SAISON 1
chronique LE CHOC DES CULTURES
CRITÈRES ESTHÉTIQUES —final saison 2002-03
France 3, juin 2003, 09min 01
«Delacroix, La liberté guidant le peuple, 1831: une barricade des 3 glorieuses de juillet 1830, installant la monarchie parlementaire de Louis-Philippe contre l’autocratie de Charles X. Picasso, Guernica: ville détruite en 1937 par l’aviation allemande. Voici deux peintures “engagées”, l’une parce qu’elle décrit une insurrection sur le mode lyrique, et l’autre, au contraire dramatique, parce qu’elle est censée susciter cette insurrection, en dépeignant un désastre. Mais il existe une autre forme d’engagement artistique, né avec l’art moderne au début du 20e siècle, selon laquelle la révolution politique ne doit pas être "illustrée" par la peinture, mais qu’elle doit consister en une révolution de la peinture elle-même. Ce sera chez Malévitch, le passage à l’abstraction en 1915, qu’il appelle “suprématisme”, où la peinture, suprêmement libérée de l’imitation, est enfin pure, avec des ronds, des carrés, etc. Vous verrez qu’il y a beaucoup de carrés dans les images qu’on va voir et qui, selon Malévitch, préparait les esprits à la révolution politique de 1917.
Qu’il y ait de la naïveté dans ce raisonnement, selon lequel l’avant-garde artistique irait main dans la main avec l’avant-garde politique, est tout le problème des révolutions esthétiques de la modernité, dont on sait bien qu’elle n’ont jamais intéressé les forces révolutionnaires mais les élites culturelles. Si je devais polémiquer, je dirais même que le réalisme socialiste est évidemment, Lénine l’avait bien vu, la seule expression artistique véritablement au service de la Révolution. Il n’en demeure pas moins que la révolution artistique de Malévitch et de ses épigones est magnifique à regarder. Commençons donc sur Malévitch dont les débuts sont proches de ceux de son compatriote Marc Chagall.»